Notre paysage actuel ne s’appauvrit pas par manque, mais par excès : un trop-plein qui finit par se neutraliser et s’effacer.
Le travail de Rémi Amiot s’inscrit dans cet entrelacs, comme témoin de l’empreinte sociale de notre temps.
Dans une société où toute surface devient un support, tout instant une publicité, tout regard un marché, tout vide un espace à combler, la surabondance sature jusqu’à aveugler plutôt que de révéler. L’omniprésence, paradoxalement, se transforme en disparition.
En explorant les seuils de visibilité, de conscience et de présence, Amiot met en lumière ces paradoxes de notre époque – de ce qui nous entoure – presque intangible ; l’omniprésence comme nouvelle forme d’effacement.
Son œuvre, déployée à travers une pluralité de médiums, refuse la passivité du regard. Elle nous nous confronte à ce que nous ne voyons plus, précisément parce que nous croyons déjà l’avoir vu. Comme un contre-pouvoir, l’enjeu n’est pas de séduire, mais d’interrompre.
Amiot reconfigure ainsi nos perceptions : il dresse une cartographie des vides porteurs de sens, où l’absence et les silences deviennent formes, et où les creux parlent plus fort que les pleins. Rendre visible n’est pas pour lui un effet plastique, mais un geste politique.
Transposées vers de nouveaux modes d’existence, ses œuvres engagent une lecture stratifiée : par couches, par indices, par résonances.
Face au bruit de notre paysage contemporain, et comme résistance, le travail de Rémi Amiot s’impose comme une manière de redonner corps à ce que l’abondance a étouffée. Une façon de faire parler le monde autrement.
Traversées par un intérêt pour la conception de phénomènes visuels, les œuvres que développe Rémi Amiot ont la qualité d’obliger à déceler les indices nécessaires à la lecture de leurs dispositifs. Respiration (2015) se déploie par le biais d’un projecteur 8 mm diffusant une image lumineuse, diaphane et circulaire de dimensions variables. Résultant de la lumière que l’appareil fait passer à travers de petites ouvertures effectuées sur le film de la pellicule, cette « information, dit Rémi Amiot, est une respiration, ma respiration » — chronométrée et convertie en 24 images et en autant de découpes par seconde, gravées sur l’amplitude de la courroie de transmission. Par la projection d’une donnée invisible, ce souffle affleure dans un cycle monté en boucle, alors que la machine officie tel un corps, et que le film, dans une analogie aussi physique que photographique, occupe la fonction du diaphragme, pour traduire à travers une action cinématographique sans figure et sans parole, quelques tranches d’une activité humaine perçue en creux. Quant à Femto-copies (2015), objet monolithe constitué de plus de 2000 pages de photocopies en noir et blanc reliées, il est la forme achevée d’une activité indicielle, en tant qu’édition unique faisant trace du fonctionnement d’une photocopieuse, capot ouvert, sur une durée de 48h dans un espace clos et cependant soumis au passage de quelques individus. Les impressions condensent ainsi les empreintes du temps écoulé, des conditions atmosphériques et des micros-événements aléatoires observés et enregistrés par cette machine-performance. Alors qu’une telle sculpture agit comme le témoignage d’un flux de données contextuelles, Fragment (2015) produit un certain trouble par l’exposition d’un cylindre blanc, fixé à hauteur de vue. Le traitement de l’épaisseur de ses tranches, non travaillée d’un côté, lisse d’un autre, interpelle par comparaison sur la nature de cet objet qui, d’un bout à l’autre, apparaît comme un trait d’union utile pour révéler ce dont il s’agit : un rouleau de papier qui tromperait le regard. C’est là précisément l’effet actif de ces travaux qui sollicitent moins pour voir que pour percevoir.
Mickaël Roy
L’œuvre de Rémi Amiot s’inscrit entre deux pôles, l’un archi-rétinien – opérant une synthèse de l’art cinétique et de l’Op Art -, l’autre conceptuel et contextuel – jouant avec l’expérience de la durée et du lieu. Si ses « pères » cherchaient inlassablement à créer illusions et jeux d’optiques, Amiot aspire quant à lui à donner forme et corps à ce qui a priori en est dénué. Ainsi, Course RVB (2013) fait apparaître la composition chromatique d’une image numérique, Poursuite (2012) et Décomposition numérique (2012-2013) décomposent en direct un faisceau lumineux et Soleil (2013) donne à voir la matérialité de ce dernier. Et si Brian O’Doherty a questionné l’espace et le temps de l’exposition, Amiot marche sur ses pas lorsqu’avec Femto-copies (2015), il condense en un bloc de milliers de pages le temps réel de l’exposition et l’activité lumineuse des lieux. La prise en compte du spectateur est remarquablement illustrée par Linar (Light navigation and ranging) (2015), installation lumineuse qui consiste à éclairer à l’aide d’un phare la présence humaine, générant ainsi son ombre portée au mur. Entre sur présence du spectateur et sur matérialité de l’immatériel, l’œuvre de Rémi Amiot questionne notre perception des objets et du monde qui nous entoure.
Élodie Antoine
2018
2018: What about 2222, 20 janvier au 01 février 2018, Paris
2016
OVNI, festival d’art vidéo, parcours Satellites, Galerie de la Marine, Nice
La Parabole de Cooper Hewitt, Galerie de la Marine, Nice
6e Prix de la Jeune Création de Saint Rémy, Moulin des Arts, Saint-Rémy
Art Projects by Aides et Yvon Lambert, Espace Fondation EDF, Paris
Bewegung, le Mouvement, Nuit des musées de Münster, Galerie Schneeberger, Allemagne
Exposition portes fermées, Espace Ségur / K-droz, Paris
Exposition collective, avec Baptiste Carluy, Centre municipal de santé, Corbeil-Essonnes
61ème Salon de Montrouge, commissaire: Ami Barak, le Beffroi, Montrouge
Only Lovers, commissaire: Timothée Chaillou, Le Coeur, Paris
Prix de la jeune création contemporaine de la Ville de Nice
2015
La matérialité de l’ immatériel, commissaire: Anne Sechet, MDAC, Cagnes-sur-Mer
Transnumériques | Biennale internationale des Arts et des Cultures Numériques, Manège de Sury, Mons, Belgique
Odyssée, Exposition des diplômés de la Villa Arson, commissaire: Benjamin Laugier, Galerie de la Marine / Villa Arson, Nice
Fantomachie, commissaire: Gillian Brett, Le Dojo, Nice
Avant-goûts saison 3, Le Salon, Nice
Mise aux carreaux, Galerie Collective, Villa-Arson, Nice
2014
Vibration, Galerie Soufflot, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, Paris
2013
Préposition, commissaires: Nathalie Elemento et Philippe Cazal, Église Saint-Philibert, Dijon
Prix Jean-Paul Fargier, Festival vidéo des écoles d’Art du grand Est
2012
26ème rencontre des arts | Il est l’heure de prendre le temps, Maison des Sociétés, Marsannay-la-côte
2011
Double vie, en collaboration avec Olga Kisseleva, Consortium, Dijon